Construire le lien d’attachement : le dialogue tonico-émotionnel
On dit souvent que les 1000 premiers jours (de la conception aux deux ans de l’enfant) sont une période clé. Pas pour faire pression sur les parents — déjà suffisamment sollicités — mais parce que c’est une phase où se posent les bases du développement affectif et relationnel.
L’attachement, c’est ce lien invisible qui unit un bébé à ses parents ou à ses figures de soins. John Bowlby, psychiatre et psychanalyste britannique, a montré combien ce lien constitue une véritable « base de sécurité » pour l’enfant : plus il se sent en sécurité affective, plus il ose explorer, jouer, apprendre. Donald Winnicott, pédiatre et psychanalyste, soulignait de son côté combien le rôle des parents, dans leur « souci maternel primaire », était central pour que le bébé se sente reconnu et accueilli.
Le dialogue tonico-émotionnel : quand les corps parlent
Avant même les mots, le bébé communique par son corps. Ses mimiques, ses pleurs, ses mouvements, sa tonicité musculaire disent quelque chose de ses besoins et de ses émotions. On parle alors de dialogue tonico-émotionnel : une forme d’échange subtil, presque invisible, entre le bébé et l’adulte qui en prend soin.
Ce dialogue s’incarne dans :
- la façon dont un bébé se détend dans les bras de son parent,
- la manière dont il se raidit face à une tension,
- le tonus de son corps qui s’ajuste à celui de l’adulte,
- la réponse corporelle et affective du parent (tenir fermement ou au contraire doucement, bercer, ajuster son rythme).
Le psychologue et psychanalyste Henri Wallon avait déjà mis en lumière l’importance de cette dimension corporelle, prolongée ensuite par André Bullinger ou Bernard Golse : le bébé ne se développe pas seul, mais au travers de ces micro-dialogues permanents avec son environnement humain.
En observant et en répondant à ce langage corporel, les parents nourrissent le sentiment de sécurité et de reconnaissance du bébé.
Pas besoin de recettes compliquées
L’attachement se construit dans des gestes simples, souvent invisibles aux yeux extérieurs :
- répondre (autant que possible) aux pleurs,
- poser un regard bienveillant,
- prendre dans les bras,
- parler doucement à son bébé,
- donner à voir qu’il compte pour nous.
Ces gestes répétés, associés au dialogue tonico-émotionnel, forment une trame de sécurité intérieure pour l’enfant.
Et la culpabilité dans tout ça ?
Elle guette, bien sûr : « Est-ce que je fais assez ? Est-ce que je suis une bonne mère, un bon père ? » Avec souvent cette volonté de faire au moins aussi bien que nos propres parents… ou parfois de ne pas reproduire certains schémas.
Rassurez-vous : un bébé se construit dans la constance, pas dans la perfection. Le bébé n’a pas besoin d’un parent parfait, mais d’un parent vivant, sensible, qui fait de son mieux et parfois… se trompe aussi. Ce sont ces ajustements, ces « réparations » après une maladresse ou un moment de fatigue, qui consolident aussi la relation.
Les 1000 premiers jours sont donc un temps fondateur : ils n’écrivent pas tout, mais ils offrent une première trame, souple et vivante, sur laquelle l’enfant pourra broder son histoire.
Pour aller plus loin
Pour approfondir ce sujet et comprendre l’impact des relations précoces sur le cerveau de l’enfant, je vous recommande le livre de Catherine Gueguen, Pour une enfance heureuse – Repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau.
Un ouvrage clair et inspirant, qui aide à poser des gestes simples au quotidien… dès les premiers instants de vie.