Accueillir un bébé après un deuil périnatal : une grossesse pas comme les autres

27 novembre 2025

Accueillir un bébé après un deuil périnatal : une grossesse pas comme les autres

Accueillir un nouvel enfant après avoir traversé un deuil périnatal – qu’il s’agisse d’une fausse couche, d’une IMG ou de la perte d’un bébé – est une expérience singulière, souvent bouleversante.
Ce que l’on appelle parfois “la grossesse suivante” n’est jamais une grossesse “comme les autres”.
Elle s’inscrit dans une histoire déjà marquée par la perte, et vient raviver, parfois, des émotions enfouies, des peurs…


Une grossesse entre espoir et appréhension

Les parents qui traversent cette période oscillent souvent entre le désir de se projeter et la peur de revivre la perte.
Cette ambivalence est normale : il faut du temps pour se réautoriser à espérer, pour se reconnecter à la vie sans trahir le souvenir du bébé disparu.

Comme l’exprime la psychanalyste Marie-Josée Soubieux, spécialiste du deuil périnatal, la grossesse suivante réactive « les traces psychiques du deuil précédent » : elle vient questionner la place de chacun — celle du bébé perdu, du nouveau bébé, du parent en devenir.
Il ne s’agit pas de “remplacer” un enfant, mais d’inscrire une nouvelle vie dans une histoire déjà habitée.


Quand la peur s’invite dans le quotidien

Les suivis médicaux rapprochés, les examens, les échographies deviennent souvent des temps d’angoisse.
Chaque attente de résultat ravive l’incertitude.
Certaines femmes disent “retenir leur souffle” jusqu’à la naissance.
Et parfois, il est difficile de ressentir la joie ou de commencer à s’attacher pleinement à ce nouveau bébé.

Ces réactions ne traduisent pas un manque d’amour : elles sont la trace d’un mécanisme de protection psychique, une façon de tenir à distance la peur de perdre à nouveau.
Le rôle du psychologue est alors d’offrir un espace où cette peur peut se dire, sans jugement, pour que le lien au bébé à venir puisse progressivement se construire.


Les liens aux bébés

Le travail psychique de la grossesse suivante consiste à faire coexister deux réalités : celle du bébé perdu et celle du bébé à venir.
Comme l’a souligné Donald Winnicott, la capacité parentale repose sur la continuité du lien : il ne s’agit pas d’effacer, mais d’intégrer.
Reconnaître la place du bébé disparu, lui donner une existence symbolique (par un prénom, un souvenir, un rituel) permet de libérer un espace psychique pour accueillir celui ou celle qui arrive.

Ce processus n’est pas toujours linéaire : il peut y avoir des moments de joie, de culpabilité, de tristesse mêlée — autant de signes d’un travail intérieur en cours.


Le rôle du père et du couple

Souvent, le père ou le conjoint vit cette grossesse dans une position complexe : vouloir protéger, tout en portant lui aussi sa propre peine.
Il arrive que le couple ne soit pas “au même rythme” : l’un avance, l’autre retient.
Parler ensemble de ces décalages, ou se faire accompagner, aide à éviter l’isolement émotionnel dans cette traversée.
Le bébé à venir a besoin de ces deux présences, même fragiles, pour sentir le cadre du lien.


L’accompagnement psychologique : une passerelle entre les deux histoires

Dans mon expérience hospitalière en néonatologie et soins palliatifs et dans mon cabinet, j’observe combien la parole, même ténue, peut aider à remettre du mouvement là où tout semblait figé.
L’accompagnement psychologique offre un espace pour nommer les émotions, revisiter l’histoire du deuil, et retisser progressivement le fil de la vie psychique autour de ce nouveau projet parental.

Il ne s’agit pas d’oublier, mais de trouver une manière d’habiter cette mémoire tout en laissant une place au futur.


Pour conclure

Accueillir un bébé après un deuil périnatal, c’est réapprendre à faire confiance, en son corps, à la vie… tout en laissant une empreinte symbolique à celle qui a été interrompue.
C’est un travail de lien, parfois fragile, souvent bouleversant, toujours profondément humain.
Ce nouveau bébé vient s’inscrire non pas à la place de, mais avec celui ou celle qui a précédé.

Et si cette traversée semble difficile, n’oublions pas que le simple fait de chercher à comprendre, à ressentir, à aimer malgré la peur est déjà une forme d’inscription dans cette nouvelle parentalité

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