Dépression post-partum : une réalité fréquente chez les mères et les pères
On imagine souvent l’arrivée d’un bébé comme une période de bonheur intense, de plénitude et de moments suspendus. Et bien sûr, ces instants existent. Mais la réalité est souvent plus contrastée. Pour beaucoup de jeunes parents, la naissance est aussi un bouleversement psychique et émotionnel profond.
La dépression du post-partum en est une des expressions les plus fréquentes — et pourtant, elle reste encore taboue.
Une réalité bien plus fréquente qu’on ne le pense
On estime que 15 à 20 % des femmes traversent une dépression post-partum, parfois dès les premières semaines, parfois plusieurs mois après la naissance (INSERM, 2020).
Moins connu encore : environ 5 à 10 % des pères peuvent également en souffrir, comme l’ont montré plusieurs études récentes en psychologie périnatale.
La dépression post-partum ne survient pas par manque d’amour ou par incapacité à être parent. Elle résulte d’une combinaison de facteurs :
- biologiques (chute hormonale brutale après l’accouchement),
- psychiques (remaniements intérieurs intenses, parfois réveil de blessures anciennes),
- relationnels et sociaux (isolement, pressions à être un « bon parent », manque de relais).
Comme le soulignait la psychanalyste Monique Bydlowski, la période périnatale réactive des mouvements psychiques profonds, liés à notre propre histoire infantile et à la transmission générationnelle. Dans ce contexte, la fragilité émotionnelle n’est pas rare, et parfois elle bascule dans la dépression.
Quand le sentiment d’impuissance s’invite dans le couple
Du côté du conjoint ou de la conjointe, le vécu peut être particulièrement éprouvant. Beaucoup décrivent un sentiment d’impuissance : ne pas savoir quoi faire, avoir peur de mal faire, parfois se sentir rejeté·e ou exclu·e du lien avec le bébé.
Cette situation peut générer frustration, colère ou culpabilité, et fragiliser la relation de couple. Le psychanalyste Daniel Stern rappelait combien la naissance entraîne une véritable « constellation maternelle » (ou parentale), où tout l’équilibre du couple est réorganisé autour du bébé. Quand l’un des parents est traversé par une dépression, c’est tout le système familial qui vacille.
Et pourtant, le partenaire joue un rôle majeur : sa présence, son écoute, son soutien concret au quotidien sont de véritables facteurs protecteurs. Un environnement soutenant pour la mère, le père et l’enfant sera un élément important dans le soutien apporté, qu’il soit de manière concrète (aide pour les courses, la cuisine, le ménage, s’occuper du bébé une heure, etc.) ou dans l’ouverture d’un espace de parole et de reconnaissance de ce que les jeunes parents vivent.
Comment reconnaître une dépression post-partum ?
Quelques signes qui doivent alerter, chez la mère ou le père :
- Tristesse persistante, perte d’intérêt pour ce qui faisait plaisir avant,
- Fatigue écrasante qui ne s’explique pas seulement par les nuits écourtées,
- Sentiment d’être un « mauvais parent », culpabilité excessive,
- Anxiété intense, parfois avec des crises d’angoisse,
- Difficulté à créer du lien avec le bébé, voire indifférence,
- Idées noires, parfois suicidaires (il est essentiel de rappeler que la dépression post-partum s’accompagne d’un risque suicidaire accru, ce qui en fait une urgence de santé publique).
Reconnaître la souffrance au lieu de la minimiser est déjà une première étape thérapeutique.
Quelques repères pour avancer
Même si chaque situation est singulière, certains gestes peuvent aider :
– Nommer les choses : oser dire « ça ne va pas » est déjà un premier pas.
– Chercher du soutien : auprès d’un·e psychologue, d’une sage-femme, d’un médecin. L’accompagnement spécialisé en périnatalité permet d’accueillir ces vécus sans jugement.
– Ne pas rester seul·e : en parler à son conjoint, à une amie, à un professionnel. Le silence renforce l’isolement et la culpabilité.
– S’autoriser du répit : dormir quelques heures d’affilée, déléguer, accepter l’aide qu’on propose.
– Pour le conjoint : rester présent, rassurer, proposer du concret (prendre le relais, préparer un repas, accompagner à un rendez-vous médical). Votre rôle n’est pas de « soigner », mais d’accompagner et de soutenir.
Pour conclure
La dépression du post-partum n’est pas un signe de faiblesse. C’est une maladie fréquente et sérieuse, qui nécessite d’être reconnue, accompagnée et traitée. Elle ne remet pas en cause les capacités d’un parent à aimer ou à prendre soin de son enfant : avec du soutien, un accompagnement adapté et du temps, le lien peut se renforcer et se vivre sereinement.
Se rappeler enfin : demander de l’aide n’est jamais un échec, mais un acte de soin pour soi, pour le couple et pour le bébé.