Le deuil périnatal : accompagner l’indicible

4 septembre 2025

Le deuil périnatal : accompagner l’indicible

Le deuil périnatal reste l’un des vécus les plus douloureux et les plus silencieux qui soient.
Arrêt spontané de la grossesse, interruption médicale de grossesse (IMG) ou décès d’un bébé (pendant la grossesse, à la naissance ou dans les premiers jours de vie), cette perte confronte les parents à l’impensable : la mort au seuil de la vie.


Une épreuve souvent invisible

Comme l’a souligné Serge Lebovici, l’enfant imaginaire — celui qu’on a déjà rêvé, attendu, investi — a une place réelle dans la psyché parentale. Sa disparition n’efface pas son existence : elle laisse une empreinte. Et c’est justement cette empreinte qui est difficile à partager, parce qu’elle n’est pas ou peu visible.

Ce deuil est particulier parce qu’il est peu reconnu socialement. L’entourage, parfois démuni, ne sait pas toujours comment en parler. Les parents se retrouvent alors seuls avec une douleur immense.

À cela s’ajoutent parfois des phrases maladroites qui blessent profondément : « Tu es jeune, tu en auras un autre », « Ne pleure pas, vous pouvez réessayer »

Ces propos, souvent dits pour rassurer, minimisent au contraire la douleur et renforcent le sentiment d’incompréhension et d’isolement.


Le berceau vide : une image qui marque

Beaucoup de parents décrivent ce vécu par l’image du berceau vide : un espace préparé, imaginé, investi… qui reste sans enfant. Ce symbole, à la fois intime et universel, illustre combien l’absence vient s’inscrire dans le quotidien.

La pédopsychiatre et psychanalyste Marie-Josée Soubieux a beaucoup écrit sur ce sujet : selon elle, le travail du deuil périnatal consiste à inscrire la perte dans l’histoire psychique et familiale, plutôt qu’à chercher à effacer ou à oublier. L’enfant mort trop tôt continue d’exister « en creux » dans la mémoire parentale et familiale, et c’est en lui donnant une place que les parents peuvent, peu à peu, transformer la douleur en une trace vivante.


Inscrire la perte dans l’histoire

Le deuil, ce n’est pas oublier. La crainte fréquente des parents est justement que « vivre son deuil » signifie tourner la page. En réalité, il s’agit de cheminer avec cette histoire, de lui donner une place, pour que la douleur puisse se transformer.

Ce vécu s’inscrit dans le parcours de la famille, et parfois même dans celui des enfants ultérieurs. Nommer la perte, reconnaître ce bébé, cette grossesse, c’est donner du sens et éviter que l’expérience reste figée dans le silence.

Beaucoup d’adultes témoignent, des années plus tard, de l’importance qu’a eue pour eux le fait qu’on leur ait permis — ou non — de parler de cette grossesse, de reconnaître ce bébé. Ces gestes, si difficiles sur le moment, participent à la construction d’un récit partageable plutôt qu’à une rupture sans traces.


Le rôle du soutien professionnel

Traverser un deuil périnatal nécessite souvent un accompagnement spécifique. Psychologues, sages-femmes, médecins, associations spécialisées… chacun peut offrir un espace d’écoute et de reconnaissance.

Dans mon expérience hospitalière en néonatologie et soins palliatifs, j’ai vu combien il est crucial de ne pas laisser les parents seuls face à cette douleur. Offrir un cadre sécurisant, écouter sans juger, permettre aux émotions d’être dites — ou tues — selon le rythme de chacun : voilà le cœur de l’accompagnement. Chaque geste, un petit détail, une phrase pleine d’humanité, va pouvoir venir apporter une touche de douceur dans la violence de ce vécu.

Un soutien psychologique peut aider à :

  • reconnaître et accueillir toutes les émotions (tristesse, colère, culpabilité, impuissance),
  • soutenir le couple ou la famille dans ce vécu,
  • inscrire cette perte dans l’histoire familiale sans qu’elle devienne un tabou,
  • et permettre, petit à petit, de se projeter à nouveau, à son rythme, dans un avenir possible.

Pour conclure

Le deuil périnatal est une blessure intime et souvent silencieuse, mais il n’a pas à rester invisible. Reconnaître la place de cette grossesse, de cet enfant, inventer ou s’appuyer sur des rituels, en parler quand c’est possible : autant de façons de transformer la douleur brute en une trace vivante.

Accompagner ce deuil, c’est avant tout accompagner un lien symbolique — aussi bref ait-il été — et permettre aux parents de continuer à vivre avec.

Comme l’écrit Marie-Josée Soubieux dans Les enfants du deuil :
« Faire une place psychique à l’enfant perdu, c’est permettre à l’histoire familiale de continuer à s’écrire sans effacer celui qui n’a pas vécu. »


Liens vers deux associations nationales de référence: 

Pour aller plus loin

Sophie de Chivré, maman ayant elle-même traversé un deuil périnatal, a créé le podcast Au revoir et réalisé un documentaire, accessibles ici.
À travers ces témoignages sensibles de parents, elle ouvre un espace de parole rare et précieux autour de la perte, du vécu intime et du cheminement après.
Une ressource riche, douce et sincère, qui peut soutenir et aider à se sentir moins seul dans cette expérience souvent silencieuse.