Parentalité : les mythes qui mettent la pression
Devenir parent est une aventure bouleversante, qui touche à l’intime et à l’universel. Mais c’est aussi un chemin semé d’injonctions, de conseils contradictoires et de mythes collectifs. Ces phrases toutes faites, héritées des générations précédentes ou relayées par les réseaux sociaux, façonnent notre imaginaire de la parentalité. Elles peuvent rassurer… mais elles mettent surtout une pression immense sur les parents d’aujourd’hui, déjà largement sollicités.
Alors, si nous prenions un peu de recul ?
Les grands classiques des mythes parentaux
« Un bébé, ça dort tout le temps »
Cette croyance fait partie des plus tenaces. La réalité, c’est qu’un nourrisson ne dort pas comme un adulte : son sommeil est fractionné, alternant de courtes phases de sommeil agité (indispensable à la maturation cérébrale) et des phases de sommeil calme. Les réveils nocturnes ne sont pas un « problème », mais une norme biologique.
Pourtant, beaucoup de parents, épuisés par le manque de sommeil, se sentent coupables : « Pourquoi le mien ne fait pas ses nuits ? ». La réponse est simple : parce qu’il est… un bébé.
« Les bons parents ne crient jamais »
Dans l’imaginaire collectif, le bon parent est toujours calme, disponible et patient. La réalité, c’est que les parents vivent aussi fatigue, stress, irritabilité. Une voix qui monte, un geste brusque… cela arrive.
Ce qui importe, ce n’est pas l’absence de faille, mais la capacité de réparation : revenir vers son enfant, expliquer, apaiser. Ces moments, loin d’abîmer le lien, lui donnent une profondeur.
« Tout s’installe naturellement »
On entend souvent que l’amour parental « va de soi ». Pourtant, l’attachement se construit progressivement. Comme l’a notamment montré la psychanalyste Catherine Druon, devenir parent est un travail psychique qui demande du temps. La grossesse, l’accouchement, le post-partum ne sont pas des passages mécaniques, mais des processus intérieurs complexes.
Ce n’est pas parce qu’on ne se sent pas immédiatement « parent » qu’on ne le devient pas. L’attachement n’est pas un coup de foudre, c’est une histoire qui se tisse jour après jour.
« Être parent, c’est être comblé »
Là encore, le mythe est puissant. Bien sûr, il existe des moments de joie intense. Mais il y a aussi l’ennui, la solitude, la fatigue extrême. Comme l’a souligné Marie-Rose Moro, reconnaître l’ambivalence de la parentalité (aimer son enfant tout en rêvant parfois de souffler) est une preuve de maturité.
Être parent, ce n’est pas se sentir comblé en permanence, c’est apprendre à vivre avec ces contrastes, sans les nier.
Pourquoi ces mythes font mal ?
Ces représentations idéalisées créent un décalage douloureux entre l’expérience réelle et l’image fantasmée de la parentalité. Le risque ? Sentiment d’échec, culpabilité, isolement.
Ce qui fonde le lien parent-enfant, ce n’est pas l’absence de faille, mais la régularité d’une présence sensible et ajustée.
En d’autres termes : ce n’est pas en « réussissant » à être parfait qu’on aide son enfant à grandir, mais en acceptant ses limites et en montrant qu’on peut se réparer ensemble.
Quand la culpabilité prend trop de place
Dans mon cabinet, j’entends souvent des parents dire :
- « Je n’y arrive pas »
- « Je ne suis pas à la hauteur »
- « Je crie trop, je n’ai pas la patience qu’il faudrait »
Ces paroles sont révélatrices de la pression exercée par ces mythes. Or, la culpabilité peut devenir envahissante, au point d’empêcher de profiter des moments simples avec son enfant. Il est important de « déculpabiliser » les parents, en rappelant que ce n’est pas tant le faux-pas qui compte, mais la capacité à en parler, à le réparer, à rester en lien.
Comment desserrer la pression ?
Quelques pistes concrètes :
- Accepter l’imperfection : se rappeler que « rater », c’est humain. Ce sont ces ratés suivis de réparations qui construisent la sécurité affective.
- Chercher du soutien : amis, famille, groupes de parole, professionnels de santé… Partager permet de dédramatiser.
- Prendre soin de soi : un parent épuisé ne peut pas être disponible pour son enfant. Se ménager des moments pour soi n’est pas un luxe, c’est une nécessité.
- Redonner leur juste place aux mythes : ils relèvent de l’imaginaire collectif, pas de normes à atteindre.
En conclusion
Les mythes parentaux sont puissants parce qu’ils véhiculent une idée de perfection. Mais la réalité, c’est que l’enfant se construit dans un environnement imparfait… et heureusement.
Les enfants n’ont pas besoin de parents irréprochables. Ils ont besoin de parents vivants, présents, capables de douter, de se tromper, et de revenir vers eux. C’est précisément dans ces ajustements imparfaits que naît la sécurité affective.
Alors, la prochaine fois que vous vous surprenez à penser « je ne suis pas à la hauteur », rappelez-vous : être parent, ce n’est pas réussir une performance, c’est tisser une relation vivante.
Pour aller plus loin
- Podcast : La Matrescence, animé par Clémentine Sarlat — interviews de professionnels et témoignages de parents, pour une parentalité décomplexée.
- Livre : Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent, d’Adel Faber et Elaine Mazlish (qui existe aussi en version pour les tout-petits et pour les ados)
Ce classique aide les parents à revoir leur façon de communiquer sans ajouter de culpabilité, à développer une relation plus sereine et réaliste avec l’enfant.